Autopsie de l’un des plus grands ratés du football français : l’Euro 92

Lorsque l’on pense aux grands échecs de l’équipe de France, les premiers événements qui nous viennent en tête sont évidemment France – Bulgarie 93, la Coupe du Monde 2002 ou encore l’inévitable épisode de Knysna. Pourtant, avant tout cela, l’équipe de France a connu un échec retentissant, échec dont on parle très peu, l’Euro 92 en Suède. Cette compétition est avant tout celle du triomphe improbable du Danemark, pays non qualifié et repêché de justesse après le début de la guerre en Yougoslavie. L’Euro 92, c’est ce récit de la victoire inattendue d’une équipe dont la plupart des joueurs étaient encore en vacances quelques jours avant le début du tournoi. Ce conte de fée a donc grandement en partie éclipsé un autre événement, l’échec de la nation favorite, la France. Si on évoque peu ce désastre sportif, c’est aussi car il est en partie celui d’un homme, vu en France comme un Dieu intouchable (du moins à l’époque), Michel Platini. La débâcle de l’Euro 92 va considérablement influencer la suite de l’histoire du football français. Elle est intimement liée à celle de France – Bulgarie 93, elle va guider les choix d’Aimé Jacquet pour 98 mais aussi profondément marquer un joueur qui dispute là sa première grande compétition internationale, Didier Deschamps. La gestion du groupe de 92 va inspirer le sélectionneur dans ses choix d’aujourd’hui et explique la façon dont il construit ses listes. Retour donc sur l’un des plus grands (et oublié) échecs du football français, l’Euro 92. 

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L’équipe de France avant son premier match de l’Euro face à la Suède.

Sélectionneur malgré lui

Durant l’Euro 92, la France possède la particularité d’avoir à sa tête le plus jeune sélectionneur de la compétition. C’est un jeune entraîneur de 36 ans qui dirige les tricolores. C’est d’ailleurs sa première expérience sur un banc de touche, ce qui peut étonner pour un poste d’une si grande importance. Pourtant cet homme est loin d’être un inconnu, puisqu’il s’agit de Michel Platini. Si le poste de sélectionneur de l’équipe de France est souvent vu comme un graal venant récompenser une riche carrière d’entraîneur, Michel Platini lui, l’est un peu devenu par hasard. Tout commence fin 1988, la France a échoué à se qualifier pour l’Euro l’été précédent et la campagne de qualifications pour le Mondial en Italie a très mal démarré. L’après Platini (joueur) est très mal digéré. Un match nul face à Chypre en octobre 88 va sceller le sort d’Henri Michel, lui qui a pourtant mené la France jusqu’aux demi-finales de la Coupe du Monde 86, après une victoire d’anthologie face au Brésil de Telê Santana.

Mais voilà, les résultats ne suivent plus, le vestiaire ne semble plus suivre non plus, en témoigne la mythique interview de Cantona qui sous-entendra clairement qu’Henri Michel est un “sac à merde”. De plus, Henri Michel est laché par le plus important lobby du foot français de l’époque : le Variété Club de France. On y retrouve les gloires du début des années 80 et surtout les principaux journalistes sportifs de l’époque. Thierry Roland ira même jusqu’à dire en direct qu’il faut virer Henri Michel.

Mais le sélectionneur va être aussi la victime d’un contentieux qui le dépasse, la rivalité Bernard Tapie – Claude Bez. Les deux hommes ne ratent pas une occasion de s’invectiver dans la presse, mais sur le terrain c’est bien l’OM qui finit par prendre le dessus sur Bordeaux. Bez s’inquiète de l’influence grandissante de l’OM sur l’équipe de France et il souhaite voir un homme qu’il connaît bien à la tête de l’équipe pour contrecarrer l’influence de Bernard Tapie.

France Coach Michel Platini
Platini sur le banc de touche durant l’Euro 92.

Bez va alors s’associer au Variété Club de France pour faire pression sur la FFF. Henri Michel est viré, Claude Bez est nommé super-intendant, un poste créé pour lui et il nomme Michel Platini sélectionneur. Il compte sur l’aura de l’ancien numéro 10 des bleus pour remettre l’équipe dans le droit chemin. Pourtant Platini n’a aucune expérience en tant qu’entraineur. La nomination surprend tout le monde jusqu’à Platini lui même qui ne s’y attendait pas vraiment. Il accepte pourtant de relever le challenge. Néanmoins le mauvais départ dans cette campagne de qualifications minera les chances de bleus qui ne verront pas l’Italie. Platini est tout de même maintenu, Bez veut donner du temps à ce jeune entraineur, l’échec des qualifications pour le Mondial doit servir de base de travail. C’est ainsi que commence en automne 90 les qualifications pour l’Euro 92 en Suède, une campagne survolée par les bleus.

La France au sommet durant les qualifications

Huit matchs, huit victoires. Voici le bilan impressionnant de l’équipe de France lors des qualifications pour l’Euro 92. Les tricolores s’offriront même deux glorieux succès en Espagne et en Tchécoslovaquie. Platini semble avoir trouvé l’équilibre tant recherché. Il va même lancer des jeunes qui deviendront au fil des années des cadres majeurs de l’histoire de l’équipe de France : Laurent Blanc, Didier Deschamps ou encore Emmanuel Petit. Platini a aussi réussi à s’appuyer sur l’expérience des anciens comme Luis Fernandez ou Manu Amoros tout en donnant les clefs du jeu aux champions d’Europe espoirs 88 : Jocelyn Angloma, Bernard Casoni, Franck Sauzée, Eric Cantona… Tout semble aller pour le mieux et la France fait de nouveau peur à l’Europe entière. Pourtant si l’on se penche de plus près, cette campagne est venue cacher des problèmes plus profonds qui finiront par couler l’équipe.

Les adversaires tout d’abord. L’Islande et l’Albanie sont à l’époque des adversaires de faible qualité, les principaux concurrents de l’équipe de France sont alors l’Espagne et la Tchécoslovaquie. Pour l’Espagne, sa génération dorée des années 80, la fameuse Quinta del Buitre, est proche de la retraite et n’a plus la fougue d’antan. De plus, l’Espagne est focalisée sur un autre objectif, les Jeux Olympiques de Barcelone qui ont lieu eux aussi durant l’été 92. La Fédération espagnole avait en tête de préparer sa nouvelle génération dans le but de remporter la médaille d’or, chose qu’elle fera. C’est ainsi que les Guardiola ou autre Kiko étaient programmés pour remporter les JO et non se qualifier pour l’Euro.

Pour ce qui est de la Tchécoslovaquie, la chute du bloc soviétique aura de lourdes conséquences sur son équipe nationale. Avec l’ouverture à l’économie de marché, de nombreux clubs soutenus par l’État central vont s’effondrer et faire faillite. Les joueurs les plus talentueux vont fuir vers l’Occident et nombreux vont totalement délaisser l’équipe nationale. Si la Tchécoslovaquie conserve une équipe talentueuse, elle n’est plus la sélection tant redoutée des années 70-80.

Si les adversaires des bleus ne sont pas aussi forts qu’ils n’y paraissent, la série de bons résultats qui va en découler va aussi passer sous silence un autre problème : la tâtonnement tactique de Platini. Si au début de son mandat, il a d’abord opté pour un 4-4-3 à l’auxerroise, avec des ailiers qui mangent la ligne, Platini s’est ensuite tourné vers un 4-4-2 et ce pour deux raisons : l’influence italienne et son duo d’attaque. À l’époque, c’est le Milan de Sacchi qui règne sur l’Europe et avec lui son immuable 4-4-2. Platini qui a joué une grande partie de sa carrière en Serie A n’y est pas insensible et va peu à peu lui aussi le mettre en place. Mais cela est aussi en grande partie dû au duo d’attaque qu’il a sous la main, Papin et Cantona. Jean-Pierre Papin est alors au sommet de son art. Il remporte le trophée de meilleur buteur de D1 chaque année sans interruption depuis 1988. Il devient en 1991 le second joueur français à obtenir le Ballon d’Or. Il empile aussi les buts en bleus, il est alors la star incontournable. Platini veut l’associer à Cantona qui voit en lui un joueur parfaitement complémentaire, technique, capable de décrocher pour trouver Papin dans les espaces. Platini va alors construire tous ses schémas tactique autour de ces deux hommes. Cela fonctionne et Papin porte l’équipe de France durant ces qualifications en inscrivant 7 buts en 8 matchs. Si Cantona est un joueur surdoué techniquement, c’est aussi un fort caractère et ses mésaventures de la fin 1991 vont amorcer la longue descente aux enfers de l’équipe de France. 

Un début d’année 1992 compliqué

Depuis l’affaire de l’insulte d’Henri Michel, Cantona a continué à entretenir sa légende de footballeur doué mais rebelle. Il y aura tout d’abord l’affaire du maillot jeté alors qu’il est joueur de l’OM. Il est donc prié de voir ailleurs et part en prêt à Montpellier. Si Cantona réussi sportivement, il se fait remarquer en étant impliqué dans une bagarre avec son coéquipier Jean-Claude Lemoult. De retour à l’OM, Beckenbauer l’aligne devant avec JPP, le duo fonctionne mais Cantona se blesse et entre temps Goethals remplace la légende allemande. Cantona perd sa place et tente alors sa chance à Nîmes. Lors d’un match contre Saint-Etienne, il proteste contre une décision de l’arbitre, perd son sang froid et lance le ballon sur l’homme en noir. Il est expulsé. La fédération le suspend alors 4 matchs mais Cantona dira que cette décision a été prise par “une bande d’idiots”. Résultat, les 4 matchs se transforment en 4 mois. Cantona annonce alors avec fracas qu’il ne veut plus jouer au football et prend sa retraite. Stupeur. Platini qui a basé toute sa tactique autour de JPP et Cantona se retrouve alors démuni. Il rencontre l’attaquant et lui propose de faire marcher ses contacts pour qu’il puisse reprendre le foot… en Angleterre. Après un essai à Sheffield Wednesday, il signe finalement à Leeds en février 92, 4 mois avant le début de l’Euro.

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Cantona sous le maillot du Nimes Olympique.

Cet épisode démontre l’un des problèmes majeurs de Platini à cette époque, il ne possède pas de plan B. L’équilibre est fragile et le sélectionneur décide alors de renforcer sa défense, ne sachant pas si Cantona sera prêt à temps. Le système tactique évolue et Platini veut faire en sorte de se rapprocher du schéma marseillais. En effet l’OM est en passe d’établir un nouveau record avec seulement 21 buts encaissés en D1. De plus, la plupart des joueurs défensifs de l’OM sont français, Platini peut donc s’appuyer sur eux. Le 4-4-2 devient 3-5-2, avec Laurent Blanc dans le rôle de Mozer en libéro. Ce nouveau schéma peine à prendre puisque la France ne gagnera aucun de ses matchs amicaux pré-Euro. Pourtant tout le monde y croit, Papin est une nouvelle fois le meilleur buteur de D1 et après des débuts difficiles, Cantona finit par s’adapter au jeu anglais et remporte avec Leeds le championnat. Platini tient la défense de l’OM, son attaquant vedette et un joueur génial qui a su en quelques semaines devenir une star outre Manche. Sur le papier, la France est la meilleure équipe.

Dans le même temps, Claude Bez est empêtré dans des affaires judiciaires. Son club est rétrogradé administrativement. Il est poussé à la démission et prend peu à peu ses distances avec le monde du football. Ce qu’il redoutait arriva, l’influence de l’OM sur l’équipe de France devint considérable. Si le club marseillais apporte des joueurs de qualité, il transpose en équipe de France des problèmes internes. Pour exemple cette affaire de salaire impayé qui concerne Basile Boli. Le défenseur est alors en froid avec son club et ce problème financier va venir perturber sa préparation physique. Mais l’histoire dont tout le monde parle à ce moment là, c’est le départ de Papin vers Milan. Les relations avec Tapie sont alors tendues et ces problèmes intra-marseillais vont perturber le vestiaire des bleus. Si on pointera du doigt plus tard, au moment du fameux match contre la Bulgarie, l’ambiance délétère du vestiaire divisé entre parisiens et marseillais, les prémices remontent à 92. Il y a d’un côté les marseillais, avec leurs problèmes qui prennent une place prépondérante et de l’autre le reste du groupe. Christian Pérez le confirmera des années plus tard, l’équipe de France de 92 ne possédait aucune cohésion au sein du vestiaire. C’est ainsi que le contexte extra sportif va entraîner le sportif dans sa chute. 

La compétition

L’équipe de France inaugure le tournoi face au pays hôte le 10 juin 1992. Platini confirme son 3-5-2, Martini dans les buts avec une défense Blanc, Casoni, Boli. Devant, on retrouve les deux milieux marseillais Sauzée et Deschamps, sur les côtés deux autres marseillais Angloma et Amoros. Platini tente un coup de poker, il place devant Amoros, dans son couloir, l’auxerrois Vahirua dans un rôle d’électron libre avec pour but de servir le fameux duo Papin et Cantona.

La France démarre bien la rencontre en mettant le pied sur le ballon mais l’équipe a du mal à trouver ses attaquants. Angloma, qui lui est seul dans son couloir, s’épuise dans de longues courses infructueuses tandis que Vahirua paraît très mal à l’aise de ce rôle très spécial. La tâche d’amener le ballon vers l’avant revient donc aux milieux défensifs Deschamps et Sauzée qui peinent à jouer juste dans la dernière passe. Résultat, la France n’inquiète aucunement la Suède qui joue les contres à fond et les tricolores finissent par se faire surprendre. Sur un corner à la 25e minute, Eriksson, libre de tout marquage, surgit et d’une tête puissante trompe Bruno Martini, 1-0 pour la Suède.

Le faux rythme continue avec une équipe de France qui monopolise le ballon mais qui est incapable de servir correctement ses attaquants. Les joueurs semblent obnubilés par l’idée de trouver Cantona, qui ne décroche pas et qui ne touche quasiment aucun ballon, ou Papin dans la profondeur mais ce dernier est parfaitement surveillé par la défense suédoise. La France est sans solution et regagne les vestiaires menée au score.

FOOTBALL : France vs Angleterre- Euro 1992 - 14/06/1992
Jean-Pierre Papin en pleine action.

Platini tente alors un coup tactique. Il sort Vahirua qui n’a jamais trouvé ses marques pour faire rentrer le parisien Christian Pérez afin de composer un milieu à trois avec Sauzée et Deschamps. Pérez sera celui capable de porter le ballon vers l’avant et de soigner la dernière passe et ça paye. À la 58e minute, d’une magnifique ouverture, il trouve Papin dans la profondeur qui ne se fait pas prier et fusille le gardien, 1-1. Le faux rythme de la première mi-temps reprend, la France possède le ballon de façon stérile, la Suède joue les contres et les tricolores ne passent pas loin de la punition lorsque les suédois heurtent les montants en fin de partie. Le score en restera là.

Ce premier match inquiète, la France semble inoffensive et des rumeurs commencent à courir, Papin serait arrivé blessé à l’Euro. Le lendemain le Danemark et l’Angleterre se neutralisent 0-0 et l’espoir reste entier pour la France qui affronte les Three Lions trois jours plus tard.

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L’équipe de France avant sa rencontre face à l’Angleterre.

Le second match face à l’Angleterre offre à ces deux nations l’occasion de se racheter et d’enfin lancer leur compétition. Platini semble avoir apprécié la seconde mi-temps face à la Suède et présente un onze de départ plus équilibré que lors de la première rencontre. La défense reste la même, Amoros occupe le couloir droit, Durand le gauche. Au milieu on retrouve Deschamps, Sauzée et Fernandez et bien sûr devant, le duo habituel. Platini compte sur un onze plus expérimenté pour contrarier une équipe d’Angleterre qui se trouve entre deux générations, la plupart des joueurs phares des années 80 ont raccroché les crampons et la génération montante symbolisée par Alan Shearer peine encore à se faire une place. C’est ainsi que l’on retrouve des joueurs faisant le lien entre les deux, des joueurs qui ne seront que de passage chez les Three Lions comme Carton Palmer.

Le scénario du match ressemble énormément au match d’ouverture, la France met le pied sur le ballon mais ne parvient pas à être dangereuse. Si le premier match était rythmé par une certaine intensité, il n’en est rien du deuxième, autrement dit, c’est une purge. Platini, optera à nouveau en seconde période pour son schéma initial avec un électron libre à gauche, cette fois-ci Pérez, laissant l’entière responsabilité du couloir droit à Angloma. Le résultat est le même, le ballon ne parvient que très peu aux attaquants. On retiendra que la France frôlera la catastrophe sur deux faits de jeu. Le premier, un coup de coude (in)volontaire de Boli sur Pierce en pleine surface de réparation. Cela aurait pu valoir un rouge et un pénalty mais l’arbitre laissa jouer. Au milieu de la seconde période, ce même Pierce enverra un véritable boulet de canon sur la barre à la suite d’un coup franc. Martini est bien heureux de voir le ballon rebondir devant la ligne après avoir heurté la transversale. Score final 0-0, la France conserve une chance de se qualifier lors du dernier match, mais le niveau affiché est de plus en plus inquiétant.

 

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L’équipe de France face au Danemark.

 

Tout se jouera donc lors du dernier match face au Danemark. Tout le monde connaît l’histoire, ce pays qui n’était pas qualifié et qui finira par gagner la compétition. Pourtant avant de jouer la France, les Danois sont bien mal en point. S’ils ont décroché un nul face à l’Angleterre, ils se sont inclinés face à la Suède. Ils ne possèdent alors qu’un point et pointent à la dernière place du groupe. Personne ne les voit comme une menace. À cela s’ajoute l’inoffensivité de l’équipe de France, Platini fait alors des choix forts et propose une composition très offensive pour renverser le Danemark et aller chercher la qualification. Si les trois derrière ne bougent pas, il confie le couloir gauche à Vahirua et propose un milieu Deschamps, Pérez, Durand, les deux derniers étant de très bons techniciens capables de porter le ballon vers l’avant. Platini part de l’idée que, comme durant les deux premiers matchs, la France mettra le pied sur le ballon pour installer son jeu. Là fût son erreur, il n’anticipera pas la prise de risque des Danois qui vont jouer un pressing d’enfer d’entrée de jeu pour bousculer les Français. Laudrup et Larsen privent complètement les tricolores du ballon. Les bleus craquent de toute part et vont très vite encaisser un but de l’intenable Larsen. Le pressing ne s’arrête pas là et l’équipe de France peine à sortir la tête de l’eau.

 

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Boli face à Laudrup.

 

Platini voyant son milieu couler sort Vahirua à la mi-temps pour faire entrer Fernandez, passant Pérez dans le couloir. L’effet est immédiat et la France retrouve la possession face à des Danois qui semblent marquer le coup après de nombreux efforts. C’est à la 60e minute que la France va enfin montrer ce que tout le monde attendait d’elle, un jeu fluide, technique, conclut par le meilleur attaquant du monde. D’un long ballon, Boli trouve Cantona sur le côté droit, il se joue du défenseur et centre pour Durand qui d’une magnifique talonnade lance JPP dans la surface qui fusille le gardien. La France revient au score et est à ce moment là virtuellement qualifiée pour les demi-finales. Quelques minutes plus tard, Cantona profite d’une belle passe en profondeur, entre dans la surface et sert en retrait Papin, Deschamps pensant le ballon pour lui se précipite dessus, les deux joueurs se gênent et Papin arme une frappe qui ne trouve pas le cadre. Les bleus viennent de laisser passer leur chance. Ce temps fort sera le zénith des bleus version 92. Il laissa envisager de quoi cette équipe était capable mais à la suite de l’égalisation, les Francais vont de nouveau s’effondrer. Cette rechute correspond surtout à la reprise du pressing danois. Galvanisés par ce but encaissé, les Scandinaves reprennent leur jeu offensif et agressif pour tenter dans la dernière demi-heure restante, d’aller décrocher une qualification historique. À la 78e, Boli jouant mal le hors jeu couvre l’ailier danois sur un ballon cloche. L’ailier poursuit sa course, centre un ballon que Boli ne peut intercepter et trouve Elstrup qui punit Martini. 2-1. La France pousse et Laurent Blanc aura au bout du pied la balle de qualification en toute fin de match, mais sa reprise au point de pénalty s’envolera dans les travées du stade de Malmö. L’arbitre siffle la fin, le Danemark réussit là un exploit immense et rejoint les demi-finales. La France, elle, est éliminée en ne s’étant imposée dans aucune rencontre.

L’Euro 92, un déni qui a conduit à l’échec de 93

À chaque fois que la France affronte la Bulgarie ou qu’elle patine dans les qualifications, on agite les fantômes de la rencontre de 93. France – Bulgarie 93, c’est se remémorer l’un des moments les plus douloureux du foot français, pourtant l’Euro 92 annonçait déjà cette catastrophe. Houiller, sélectionneur en 93, était l’adjoint de Platini en 92. Certains disent même qu’il était déjà en charge à l’Euro, Platini étant déjà tourné vers l’organisation de la Coupe du Monde 98. Paroles de mauvaises langues ou non, Houiller était bien l’un des architectes de 92 et il n’a en rien fait l’autopsie de 92. De nouveaux visages sont apparus mais les maux profonds de l’Euro sont eux restés : jeu stéréotypé trop dépendant de ses stars, un vestiaire sans cohésion rempli de rivalités, une équipe où priment les égos avant le fond, le jeu et la tactique.

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Roche et Blanc après le but de Kostadinov.

 

Aimé Jacquet, présent dans le staff de 93 et qui reprendra l’équipe après Houiller, a lui appris de ces échecs. La Coupe du Monde à la maison approchant, impossible de répéter des erreurs commises depuis une demi-douzaine d’années. Exit les stars aux égos surdimensionnés, il décide de prendre en main une jeune génération plus maléable et de la faire grandir au fil des années jusqu’au graal de 98. L’Euro 96 (On prendra certainement le temps d’en parler dans un prochain article) est un parfait exemple de cela. Ce fût l’occasion de faire découvrir à de jeunes joueurs, entourés par des cadres, le niveau d’une compétition internationale. On pense évidemment à Zidane, Dugarry, Djorkaeff… Ces joueurs doivent apprendre à vivre ensemble, à jouer les uns pour les autres. Jacquet a mis 4 ans pour construire une équipe, pour trouver les automatismes sur le terrain et en dehors. Il fût plus que critiqué quand il décida de laisser Cantona et Ginola à la maison en 96, les joueurs étant des superstars en Angleterre. Mais il a mis en place une théorie qui ne fait plus de doute aujourd’hui, une sélection n’est pas l’addition des 22 ou 23 meilleurs joueurs, une liste, ce sont 23 joueurs qui vont permettre la meilleure cohésion possible, sur le terrain et en dehors.

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Les bleus de l’Euro 96.

 

Durant ces années noires du foot francais, un jeune joueur observe, apprend. S’il a connu le tumulte du début des années 90, il a surtout été le capitaine des succès de la fin de la décennie. Didier Deschamps a donc tout connu, il a vu les erreurs commises et le long travail de fond pour bâtir une équipe capable de gagner une grande compétition. Aujourd’hui à la tête des bleus, il est souvent critiqué, des non-sélections de joueurs font débat : Ribéry, Benzema… On dit aussi que ses équipes manquent de leaders, pourtant Deschamps applique à sa manière les méthodes de Jacquet, prendre de jeunes joueurs, les accompagner pour en faire des cadres. Ces joueurs sont désormais des stars dans leurs clubs, ils arrivent à maturité et nous sommes en droit d’attendre beaucoup des Griezmann, Pogba, Varane… Deschamps a écarté les fortes têtes, aussi talentueux qu’ils soient, exit ceux qui viendraient contrarier la sacro sainte cohésion du groupe. Si Deschamps applique inlassablement son plan en passant outre les critiques, c’est en partie parce qu’il était là en 92. Si nombreux sont ceux qui ont oublié cet Euro catastrophique, il reste encore des personnes qui l’ont vécu de l’intérieur et qui vont tout faire pour que le drame ne se répète pas.

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