Grand d’Europe, institution, comment le devient-on?

Au lendemain de la défaite du PSG en 8e de finale de Ligue des Champions face au Real Madrid, la presse était unanime : le PSG n’est pas un grand club, le PSG n’a pas l’étoffe des grands d’Europe, le sommet européen ne s’achète pas à coups de pétrodollars, le PSG n’est pas une institution. Le PSG n’est pas une institution, cette expression est énormément revenue dans les bouches et dans les plumes des journalistes. D’ailleurs au lendemain de la victoire de la Juventus face à Tottenham, cette théorie semblait se confirmer. Il y aurait d’un côté les institutions, ces grands d’Europe à l’histoire prestigieuse, capable de renverser un match à élimination direct et de l’autre le reste, ces clubs nouveaux riches, nouveaux venus sur la scène européenne ou ces clubs bénéficiant d’une génération exceptionnelle.

Si l’on jette un œil au palmarès de la Ligue des Champions sur les deux dernières décennies, difficile de nier cette théorie. On retrouve en effet, de façon récurrente, un nombre restreint de clubs qui remportent à tour de rôle la plus prestigieuse compétition continentale : Real Madrid, FC Barcelone, Bayern Munich, Milan AC, Juventus Turin, Manchester United… Il existe pourtant des exceptions comme Porto en 2004 et puis aussi des grands clubs qui ne l’ont remporté qu’une fois depuis que l’on appelle cette compétition Ligue des Champions : Marseille, l’Ajax d’Amsterdam, Liverpool, l’Inter de Milan et Chelsea. Considère-t-on pourtant ces clubs comme des institutions ? C’est un vrai débat. Alors qu’est-ce qu’une institution ? Peut-on le devenir ? Peut-on gagner la Ligue des Champions sans l’être ?

Une question d’âge

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Eusebio remportant la Coupe des clubs champions européens 1962

Une institution est avant tout définie par une chose, son palmarès. Un grand club est un club qui a gagné et ce depuis longtemps. Le PSG a vu le jour en 1970, quand la plupart des grands d’Europe possèdent une équipe depuis le début du XXe siècle. En 1970, le Real Madrid de Di Stefano a déjà remporté 5 fois la Coupe des clubs champions, le Benfica d’Eusebio 2 fois, chacun des clubs de Milan 2 fois chacun, le United de Bobby Charlton une fois. Le PSG accède à la 1e division en 1974. À cette date l’Ajax de Cruyff a remporté la coupe aux grandes oreilles 3 fois de suite, quand le Bayern de Beckenbauer s’apprête lui aussi à la gagner 3 fois. Le PSG remporte sa 1e coupe de France en 1982 et son 1er titre de champion en 1986. Le Liverpool de Bob Paisley possède alors dans son palmarès 3 C1. Le PSG possède donc, dû à son histoire, un retard colossal face au plus grands clubs d’Europe. Si le PSG est en retard en terme de palmarès, il est surtout en retard en terme de ce que les journalistes appellent “la culture de la gagne”. Chacun de ces clubs n’ont pas seulement gagné des titres, ils ont surtout vu des joueurs se faire un mental de champion, des joueurs qui savent désormais par quoi ils doivent passer pour continuer à tout rafler. Chaque club crée alors sa propre culture de la gagne, ce que l’on va appeler l’identité du club, le tout forgé autour de joueurs et/ou des entraîneurs qui vont devenir des légendes. Une relation passionnelle va naître entre ces personnages et leur club, et beaucoup, une fois leur carrière terminée vont rejoindre l’organigramme ou le staff technique afin de perpétrer cette culture de la gagne.

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Di Stefano et ses 5 C1

Se forger une identité

Les grands clubs européens sont souvent associés à un ou plusieurs personnages, nombre d’entre eux ont d’ailleurs été cité précédemment. Au fil des années, d’autres noms vont venir s’ajouter à la liste, impossible de parler de Manchester United sans penser à Alex Ferguson, à l’Ajax sans sa génération dorée du début des années 90 ou encore à Barcelone sans (une nouvelle fois) Cruyff. Ce dernier point est intéressant. Entre 1960 et 1988, le FC Barcelone remporte seulement deux titres nationaux. Fort de ses succès à l’Ajax et en tant qu’ancien joueur du club, le hollandais débarque en Catalogne pour prendre les rênes de l’équipe et former ce qui deviendra quelques saisons plus tard la dream team. Cruyff apporte une culture de la gagne à un club qui était alors un grand club mais très loin de l’ogre qu’il est aujourd’hui. Au sein de cette fameuse équipe qui remportera une coupe nationale, 4 titres de champions d’affilée, 3 Supercoupe d’Espagne, une Supercoupe d’Europe, une C2 et la C1 en 92, on retrouve évidemment Pep Guardiola, dont la filiation footballistique avec Cruyff n’est plus à définir. Après avoir voyagé en fin de carrière, Guardiola reviendra au bercail pour prendre en charge l’équipe réserve puis l’équipe première avec le succès qu’on lui connaît.

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Cruyff donnant des consignes à Guardiola

Un grand club trouve toujours à construire un lien, un pont entre chaque génération pour permettre la transmission de la culture de la gagne tout en s’adaptant aux évolutions et aux progrès du monde du football.

Les heures de gloire du PSG

L’Histoire du PSG est certes complexe mais on peut définir deux âges d’or pré qatarie, le début des années 80 et le début des années 1990. Le PSG remporte la Coupe de France deux années de suites (1982 et 1983), puis son 1er titre en 1986. L’équipe est alors emmenée par un mélange de joueurs d’expérience et de jeunes techniciens talentueux. On retrouve au fil des années sous les couleurs parisiennes Dominique Rocheteau, Mustapha Dahleb, Joel Bats, Dominique Bathenay, Safet Susic ou encore Luis Fernandez. La montée en puissance (économique) du Matra, (sportive et économique) de Bordeaux et Marseille reléguera le PSG dans les seconds rangs avant l’arrivée d’un nouvel actionnaire, Canal +.

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En 1991 le club fait venir un entraîneur qui a gagné la Ligue des Champions, Arthur Jorge, et démarre une campagne de recrutements intelligents qui durera plusieurs saisons : David Ginola, Laurent Fournier, Ricardo, Valdo, Alain Roche, Vincent Guérin, Bernard Lama, George Weah, Rai… Paris remporte alors le championnat en 1994, la coupe en 1995 et son seul trophée européen, une C2 en 1996 sous la houlette de… Luis Fernandez. Le PSG semble alors se construire peu à peu une culture de la gagne, le schéma prend forme, pourtant de nombreux troubles en interne empêcheront cette culture de se développer. Fernandez finira par revenir quelques années plus tard sans grand succès et aucun joueur de l’époque doré ne jouera une réelle part active au sien du club. Le Paris Saint Germain devient un club ou les joueurs, les entraîneurs et même les présidents passent sans lien avec leurs prédécesseurs.

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Ngotty célébrant son but qui offrira la C2 au PSG en 1996

Devenir une institution dans les années post arrêt Bosman est bien plus complexe

Le début des années 90 a vu se jouer deux événements majeurs : la réforme de la Coupe des clubs Champions et l’arrêt Bosman. La Coupe des clubs Champions est devenue la Ligue des Champions en 1992 s’ouvrant peu à peu aux clubs finissant aux places d’honneur dans les grands championnats au dépit des champions des petites nations. Les grands clubs ont dès lors plus facilement accès à la compétition la plus prestigieuse. Quelques années plus tard, l’arrêt Bosman vient révolutionner le football en permettant d’aligner un plus grand nombre de joueurs étrangers. Les transferts explosent et les grands d’Europe peuvent plus facilement recruter pour se construire des effectifs pléthoriques et talentueux. Les clubs qui étaient donc déjà des institutions à l’époque ont pu se renforcer tout comme les grandes ligues. C’est ainsi que des clubs auparavant majeurs, mais appartenant à des championnats moins prestigieux, ont commencé à s’éloigner du 1er plan. Le meilleur exemple est certainement l’Ajax d’Amsterdam dont les meilleurs joueurs ont filé dans les plus grands clubs européens au lendemain de leur victoire en Ligue des Champions. Parmis ces jeunes talents et ce en l’espace de 3 ans, l’Ajax perdra Van der Sar, les frères De Boer, Reiziger, Davids, Seedorf, Overmars, Kluivert et Kanu. Ils partiront tous pour de grands clubs, l’Ajax et le championnat hollandais ne pouvant résister devant les puissances financières italiennes, espagnoles ou anglaises.

Soccer - UEFA Champions League - Final - Ajax v AC Milan
L’Ajax d’Amsterdam vainqueur de la C1 1995.

La France, dans le même temps, connaît le même sort. Si l’on prend les 22 joueurs champions du monde en 1998, 13 évoluent alors à l’étranger. Sur les 9 restants, Laurent Blanc a déjà joué en Italie et comme les 8 autres, finira par quitter le championnat héxagonal. La France a raté le virage de l’arrêt Bosman. Si le PSG, Nantes ou Monaco sont de bonnes équipes à l’époque le véritable moteur du championnat est l’Olympique de Marseille qui, au moment de ce tournant, est en D2 suite à l’affaire OM/VA. Le club français le plus puissant économiquement à l’époque, vainqueur de la Ligue des Champions 1993, est en déroute. Si l’affaire OM/VA n’avait pas eu lieu, il est fort probable que le championnat français eût connu un autre visage, mais c’est un autre débat. Quoi qu’il en est, le cercle des grands clubs européens, des institutions, c’est soudainement refermé au milieu des années 90.

Peut-on devenir une institution en 2018 ?

Vous l’aurez compris, il manque beaucoup de choses au PSG. Son histoire est (trop) récente, le club n’a pas su capitaliser sur ses succès passés pour construire une réelle identité, et a, comme le reste des clubs français, raté le virage de l’arrêt Bosman. Difficile dans ce contexte de devenir un grand d’Europe. Pourtant, en 2011, l’arrivée de QSI redonne espoir au football français. On se dit qu’à l’heure du football business, ces milliards venus du Moyen Orient vont enfin porter le club parisien sur le toît de l’Europe. Force est de constater que malgré les énormes investissements, les franciliens n’ont pas atteint le dernier carré de la compétition. On peut certes débattre des choix d’Ancelotti, de Blanc ou encore d’Emery. On peut revenir sur les soirées folles de Stamford Bridge ou la fameuse remontada. Malgré ces matchs qui appartiennent désormais à l’histoire du foot européen, Paris n’y est pas parvenu.

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Marco Verratti recevant un caton rouge face au Real Madrid.

Afin de critiquer le PSG, Arrigo Sacchi, entraîneur du légendaire Milan AC de la fin des années 80, prenait l’exemple de Bonucci à la Juventus. Le joueur, aussi précieux soit-il, a été mis à la porte pour ne pas avoir respecté le club. L’institution se doit d’être plus forte que ces joueurs. De nombreux joueurs ont participé aux différents parcours européens du PSG version QSI, aucun n’a réussi à apprendre de ces échecs pour les transformer en rage de vaincre. Les nouveaux venus n’ont pas su apporter leur culture de la gagne. Enfin l’institution PSG n’a pas su imposer une philosophie capable de transcender tout un effectif.

Le club qui ressemble le plus au PSG à l’heure actuelle est Manchester City. Le club a été racheté en 2008, 3 ans avant le PSG et lui non plus n’a toujours pas remporté la Ligue des Champions. Le club a atteint pour la 1e fois le dernier carré en 2016 en battant en quart… le PSG. Le citizens s’inclineront contre le futur vainqueur de l’épreuve, le Real Madrid. Cette saison, City est vu comme l’un des favoris au titre européen. Il ne fait aucun doute qu’ils seront champion d’Angleterre et ils jouent l’un des plus beaux football d’Europe. Tout le monde le dira, derrière les sommes colossales dépensées, il y a surtout un entraîneur : Pep Guardiola. Pep Guardiola par son palmarès de joueur et d’entraîneur, est capable à lui seul de s’élever comme une institution. Les joueurs vont le respecter, suivre sa philosophie et finalement sa venue dans le nord de l’Angleterre n’est pas sans rappeler celle de Cruyff à Barcelone. Quand un club veut s’imposer au plus haut, il cherche à construire autour de quelqu’un avec une aura sans limite, personnalisant l’institution.

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Pour être un grand d’Europe, une institution, il faut beaucoup de choses : un passé, une identité, des personnages pouvant la transmettre mais aussi de l’argent, beaucoup d’argent. Mais l’argent ne fait pas tout et Paris l’apprend. Néanmoins, des clubs ont le reste et n’ont pas vu le dernier carré de la C1 depuis des lustres comme l’Ajax ou le Benfica. Alors oui il existe des exceptions comme Porto, mais ce genre de parcours surréaliste va se faire de plus en plus rare. Il est désormais quasi impossible d’aller loin en Ligue des Champions sans argent, il est encore plus improbable de la gagner sans une forte identité. Chelsea a réussi s’en construire une et même si ses résultats européens sont un peu en dents de scie, on ne peut nier que les londoniens ont rejoint le club très fermé des grands d’Europe. City semble l’avoir compris et s’en rapproche, à Paris de faire les bons choix dans les saisons à venir.

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